La Mémoire d’Auschwitz ASBL a organisé une journée d'étude intitulée « Voyages mémoriels. Bilan, actualité, perspectives &… critiques », le 23 février 2012 au Centre de Congrès « Square » à Bruxelles.

 

voyagesmemorielsCette journée d'étude était destinée aux enseignants qui organisent des voyages vers des lieux de mémoire. Elle se plaçait dans la préparation pédagogique des enseignants et éducateurs qui ont participé au projet du Train des Mille pour Auschwitz qu'organisaient l'ASBL Mémoire d'Auschwitz, la Fondation Auschwitz, l'IV-INIG (Institut des Vétérans - Institut National des Invalides de Guerre, Anciens Combattants et Victimes de Guerre) et la FIR (Fédération internationale des Résistants).

Argumentaire :

Aux impressions, émotions et réflexions que suscite une visite des camps d’Auschwitz, s’ajoute un constat, dont on ne sait parfois que faire, lié au nombre d’autocars aux plaques d’immatriculation étrangère garés sur le parking de l’entrée, à la quantité de groupes qui suivent les guides, au mouvement parfois incessant des visiteurs épars appareils photo en main. Entre pèlerinage, commémorations et lieu touristique, la complexité de ce qu’a été, entre 1941 et 1945, le plus grand centre de mise à mort est, paradoxalement, redoublée par la complexité mémorielle de ce double site (Auschwitz I et Birkenau). Pourquoi paradoxalement ? Parce que son abondante fréquentation – preuve s’il en est que ce pan de la terreur exterminationniste nazie n’est pas tombé dans l’oubli – ferait courir à ce lieu historique et mémoriel le risque qu’il perde sa valeur, voire qu’il soit réduit, à moyen terme, à un simple lieu attractif (penserait-on, comme un autre).

Ces quelques lignes posent les questions suivantes : en quoi Auschwitz se différencie-t-il des autres sites mémoriels ? Doit-on craindre ce que l’on regroupe sous le terme de « tourisme mémoriel » ? Ou bien doit-on assumer cette réalité de notre époque ? Désormais, tout visiteur, en groupe ou solitaire, se trouve-t-il absorbé par la catégorie de « touriste » ? Ou bien cette catégorie est-elle une réduction intellectuelle bien éloignée de l’expérience que chacun poursuit durant sa visite ? Y a-t-il une dimension résolument exceptionnelle (d’aucuns diraient sacrée) à ce lieu ? Et celle-ci, si l’on admet qu’elle existe (ou qu’elle persiste) est-elle aujourd’hui en péril ?

Le problème apparaît sous un jour un peu différent quand on pense aux voyages organisés pour des mineurs encadrés par des adultes, généralement des enseignants. À l’origine de ce genre d’initiative, on trouve des projets pédagogiques aux multiples motivations (instruire, transmettre, éduquer moralement audit « devoir de mémoire », parfois former des jeunes pour encadrer des groupes plus jeunes encore). On décèle, la plupart du temps, une double appréhension concernant cette population : comment vont-ils se comporter ? Que vont-ils en retenir ?

Enfin, après la question du tourisme mémoriel, après celle des voyages pédagogiques, il y a celle des discours critiques qui, régulièrement, remettent en question la portée des voyages à Auschwitz, en particulier, et sur les sites mémoriels de tous ordres, en général. La pensée a besoin de la réflexivité critique pour ne pas s’endormir sur ce qu’elle a pensé, certes, mais la critique ne peut en être un fondement. Comment concevoir alors, et ouvrir, des perspectives pour les voyages à venir. Autrement dit, avec la critique, mais sans lui accorder l’exclusivité, nous nous demanderons quel avenir les voyages mémoriels et, en particulier, à Auschwitz ont-ils ?