Éditorial : Comme un supplément d'âme (Philippe Mesnard)

 

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Portfolio : Le bois de hêtres

 

L'entretien : Herman Van Goethem (Caserne Dossin), « Il est clair que ce musée constitue un travail de mémoire collective »

Plantée sur la rive gauche de la Dyle, la Caserne Dossin s’est récemment dédoublée en 2012. Un mémorial a été installé à la place du musée et celui-ci a été transféré dans un monumental cube de béton qui lui fait face. Un imposant complexe mémoriel. Une visite s’imposait avec son conservateur en chef qui, occupant également des fonctions universitaires, circule ainsi entre la recherche et la pratique mémorielle au niveau de la société même.

 

Dossier : Quel avenir pour la mémoire du génocide des Arméniens ?

Sous la direction de Philippe Mesnard

 

 

La négation turque du génocide arménien a eu un impact extrêmement important sur la société turque. Des générations entières ont grandi dans la négation officielle de ce génocide. Des recherches sur l’histoire orale menée auprès de Turcs et de Kurdes âgés, dans l’est de la Turquie, révèlent cependant que ces personnes en conservent des souvenirs vivants. À partir d’interviews de (petits-)enfants turcs et kurdes de témoins oculaires, cet article examine un certain nombre de questions que soulève le souvenir du génocide arménien. Il affirme ainsi que l’on assiste non seulement à un conflit entre la mémoire politique turque et la mémoire culturelle arménienne, mais aussi entre la mémoire politique turque (l’histoire officielle) et la mémoire collective turque et kurde. Autrement dit : le gouvernement turc nie l’existence d’un génocide dont se souvient encore sa propre population.

 

J’affirme dans cet article que, si le génocide arménien fait effectivement l’objet depuis 2000 d’un « boom mémoriel » en Turquie, cela a aussi détourné l’attention de l’importance d’une reconnaissance formelle du génocide. En outre, seul l’État turc est tenu pour responsable du discours négationniste. Lorsque l’on examine les cadres mémoriels qui structurent le discours public actuel en Turquie, on constate qu’il s’agit plutôt, en termes qualitatifs, d’une continuité que d’une rupture dans le recours aux schémas négationnistes. Plus encore, le fait que l’on discute aujourd’hui ouvertement du génocide arménien est justement exploité par l’État turc dans son programme de négation : en effet, il n’y a plus de tabou sur la « question arménienne » en Turquie. L’engagement de la société civile turque a certes beaucoup retenu l’attention, tant sur le plan national qu’international, mais au lieu de se concentrer sur le développement d’un monde associatif solide en Turquie, il me paraît plus essentiel de se pencher sur les besoins et les demandes des victimes.

 

 

 

Nul doute que notre culture visuelle (occidentale) rime avec culture mémorielle. Nul doute que les images d’atrocités massives depuis le XXe siècle ont forgé, pour le meilleur et pour le pire, une conscience ou, à tout le moins, une brèche dans ce qui constitue la mémoire, à la fois personnelle et collective. Qu’elles soient photographiques, filmiques, télévisuelles ou numériques, les traces du passé se constituent et se perpétuent sous des formes visuelles variées, multiples et le plus souvent disponibles – visibles. Alors comment peut-on concevoir une mémoire d’un événement dont l’atrocité n’a pas toujours connu d’ancrage collectif, partagé, culturel et public ? Plus spécifiquement, comment s’articule la texture mémorielle génocidaire dans le contexte diasporique arménien ? Cet article élabore ce qu'il conviendrait d'appeler une « pratique mémorielle texturée » c'est-à-dire tisser, assembler et replacer des textures, des signes et des codes divers et « décousus ». Cette pratique traduit le désir de transmette et de relier le passé dans des matériaux tangibles « ici et maintenant », plutôt que de reproduire des documents-preuves qui soutiendraient une culture marquée par un passé génocidaire. Ce sont ces textures mémorielles qu’il s’agit d’analyser par le biais de pratiques d’artistes arméniens contemporains de la diaspora. 

 

Dans cet essai, je pose un certain nombre de questions qui, si cruciales qu’elles soient pour l’héritage vécu de la Catastrophe, sont souvent négligées en faveur de questions (trop) familières concernant la reconnaissance et la réconciliation. Comment le concept d’affinité ou de parenté (kinship) a-t-il pu sanctionner et consacrer non seulement les violences d’État et civile, mais aussi le pouvoir normatif, moins visible mais également disciplinaire, exercé par des nationalismes diasporiques et statiques sur une base quotidienne ? Et comment imaginer des formes de parenté qui s’opposeraient à ce pouvoir violent et normatif, des formes de parenté inédites pour le futur ? Je présente ici une analyse de deux textes culturels récents où nous lisons des réponses provocatrices. Il s’agit d’abord d’« Autoportrait comme femme ottomane » d’Aikaterini Gegisian, une collection de cartes postales populaires représentant des femmes en costume traditionnel du début du 20e siècle. Puis on s’attarde sur « AH-HA », une collaboration entre deux artistes, Nina Katchadourian et Ahmet Ögüt, dans le cadre du Blind Dates Project de Defne Ayas et Neery Melkonian. À partir de ces deux réflexions originales sur la parenté au passé, j’imagine de nouvelles formes de parenté qui puissent contester, ou du moins ébranler, ce schéma normatif qui structure le discours sur la Catastrophe.

 

 

 

Varia

« Le seul bon Indien est un Indien mort » (dicton dérivé de la parole attribuée au Général Philip Sheridan : « The only good Indians I ever saw were dead », 1870). C'est avec des phrases de cette portée que le mythe de l'Indien s'est construit au fil des siècles, de la conquête des terres américaines aux manifestations revendicatrices des communautés amérindiennes. Depuis les années 1960 et le combat politique mené par l’American Indian Movement, la question du « génocide » des Indiens d’Amérique du Nord ne cesse de diviser. L'histoire des Indiens d'Amérique du Nord et, en particulier, du Canada, est traversée par le fléau de l’alcoolisme qui, au même titre que les maladies véhiculées par les colons, affaiblit et dégrada tout un peuple en le réduisant à l'état de sous-groupe culturel, assisté et dépendant. L'alcool fut l’un des moyens d’acculturation par la force, ainsi que l’éducation et l’éclatement des familles. L'inactivité de la vie sur les réserves joua un rôle essentiel dans la déchéance des guerriers des Plaines. Cette notice étudiera dans un premier temps ce que nous pouvons nommer le « génocide éprouvé », qui est à l’origine du mouvement de revendication en faveur de la reconnaissance officielle d’un génocide amérindien, puis s’attardera dans un second temps sur une lecture historique des faits qui nous conduira aux confins de la définition du génocide – terme toujours délicat à manier (voir les analyses développées dans l’introduction de Le Massacre, objet d’histoire, dirigé par David El Kenz, Paris, Folio, 2005) – et permettra le rapprochement conceptuel du « genos » et de l’« ethnos ».


 

Faut-il parler de la libération ou de l’auto-libération du camp de Buchenwald ? Soixante-dix ans après les faits, le présent article tente de faire le point sur la question et analyse les différentes versions proposées par les historiens allemands.

 

Dictionnaire testimonial et mémoriel

 

Laboratoire mémoriel :

 

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