Éditorial

Chroniques

Portfolio : Mémoire(s) en Ukraine : De L’unité à la diversification

L'entretien : avec le dramaturge belge Thomas Bellinck sur le rôle et l’importance de l’histoire dans son œuvre
« L’engagement est une forme de réaction à l’histoire », disait Stéphane Hessel, philosophe, diplomate et père du mouvement des Indignés. Un propos qui convient bien au dramaturge belge Thomas Bellinck : l’histoire joue invariablement un rôle central dans les spectacles de la compagnie de théâtre Steigeisen qu’il a fondée avec l’acteur Jeroen Van der Ven.


Dossier :
 Histoire et mémoire de la persécution des homosexuel-le-s par les nazis
  • Présentation (Régis Schlagdenhauffen)
  • La persécution des homosexuels sous le régime nazi (Florence Tamagne)
    Florence Tamagne, nous rappelle que la persécution nazie des homosexuels d’Allemagne s’est déroulée sur une période de douze ans (1933-1945). Conduisant à plus de 100 000 arrestations à travers tout le pays et au déploiement de formes de persécution jusqu’alors quasi inédites, elles témoignent du souci qu’avait le système national-socialiste d’éradiquer l’homosexualité au moyen du déploiement combiné de dispositifs coercitifs et prophylactiques : traitements médicaux infligés sous la contrainte, castration, expérimentations de toutes sortes. Ces dispositifs ont conduit à briser des dizaines de milliers de vies de ces femmes et hommes envoyés en prison et en camps de concentration, dont seuls quelques-uns ont survécu.
  • “This Kind of Love”: Descriptions of Lesbian Behaviour in Nazi Concentration Camps (Claudia Schoppmann)
    Claudia Schoppmann propose une synthèse des recherches sur les femmes lesbiennes sous la botte nazie. S’appuyant sur des témoignages de survivantes de la déportation, elle montre la vivacité d’une sous-culture lesbienne à l’intérieur de l’univers concentrationnaire, mais aussi les tensions inhérentes à un univers fermé et monosexué qui, pour différentes raisons, avait tendance à mettre sur la touche les femmes homosexuelles. Cet article nous offre ainsi une plongée dans un univers qui n’est pas exempt de violences, notamment sexuelles.
  • Denounced as a lesbian: Elli Smula (1914-1943), working woman from Berlin (Claudia Schoppmann)
  • La répression de l’homosexualité en France entre 1940 et 1945 (Jean-Luc Schwab)
    L’auteur y décrit les manières dont la répression de l’homosexualité a pu s’exercer en France durant la Seconde Guerre mondiale. Selon qu’il s’agisse de la France dite libre, de la France occupée ou encore de la France annexée (Alsace-Moselle), trois formes de persécution judiciaire et extra-judiciaire ont pu être démontrées. Dans le premier cas, l’État a fait appel, dès 1940, à l’internement administratif. En zone occupée, tout Français qui entretenait une relation intime avec un soldat d’occupation était susceptible d’être poursuivi par une cour spéciale allemande au titre de l’article 175 du Code pénal du « IIIe Reich » réprimant les relations « contre nature ». Enfin, en France annexée, le régime nazi a agi en combinant persécution extra-judiciaire et judiciaire dans le cadre de la Gleichschaltung, la mise au pas, de ces trois départements de l’Est de la France. Au final, pas moins de 370 homosexuels ont été victimes de cette politique et la plupart de ces hommes ont été internés pour ce motif dans un camp de rééducation spécial (Schirmeck).
  • L’espace militant LGBT et la déportation pour motif d’homosexualité. Pour une sociologie de la mémoire en contexte d’engagement (Sam Seydieh)
    Sam Seydieh s’intéresse dans son article à la façon dont les différentes formes d’évocation de la déportation pour motif d’homosexualité (témoignages, recherche des traces, commémorations) contribuent à créer un registre d’engagement singulier au sein de l’espace militant LGBT (lesbien, gay, bi et trans). Il montre ainsi que l’espace militant, au cours de ses transformations et malgré ses divergences, constitue un lieu d’interaction entre plusieurs niveaux de mémoire (mémoires empruntées des militant.e.s, mémoire historique élaborée par les militant.e.es autour d’un passé commun, mémoires communes des luttes). Son article permet de comprendre le rôle de la socialisation militante dans la transmission du sens de ce passé de persécution. Pour expliquer les ressorts d’un engagement basé sur la référence à la déportation pour motif d’homosexualité, son texte saisit ces engagements par le biais d’une analyse des contextes institutionnels d’une part et des carrières militantes d’autre part.

Varia
  • De l’Amicale des ex-Prisonniers Politiques de Silésie à la Fondation Auschwitz : constructions de mémoires en Belgique (Sarah Timperman)
    Dès la fin de l'Occupation se pose, en Belgique comme dans les autres pays d'Europe, la question de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci va produire des mémoires concurrentes qui s'excluent mutuellement. La mémoire de l'Occupation en Belgique a d'emblée été monopolisée par les anciens prisonniers politiques qui avaient en charge l'organisation de la transmission du souvenir. Dans les deux premières décennies d'après-guerre, la souffrance des Juifs est absente des commémorations, la mémoire de la guerre est strictement patriotique et combattante. Il faut attendre les années 1960, mais surtout les années 1980 pour qu’émerge une prise de conscience de l'opinion publique du sens véritable de l'extermination des Juifs. Au cours des années 1990, la mémoire du judéocide est au centre de l'attention et Auschwitz devient un des symboles de la Seconde Guerre mondiale. En parallèle, on assiste a contrario au refoulement symbolique des prisonniers politiques. Un demi-siècle après la fin de la Seconde Guerre mondiale, on est passé ainsi d'une mémoire patriotique excluant l'expérience juive à une mémoire de la Seconde Guerre mondiale qui se revendique « des droits de l'homme » dans laquelle le génocide des Juifs est central. Cet article, se propose d’analyser comment l’Amicale Belge des ex-Prisonniers Politiques de Silésie – devenue en 1976 l’Amicale belge d'Auschwitz et prédécesseur de l'actuelle Fondation Auschwitz – s'inscrit dans cette évolution. Dans le paysage des mémoires éclatées de la Seconde Guerre mondiale, comment une amicale – à la fois « politique » et « d'Auschwitz » – qui se trouve donc au carrefour des deux principales mémoires a-t-elle pu se structurer autour de cette double appartenance ? Pour répondre à ces questions, nous nous sommes basés sur les archives de l'Amicale de Silésie conservées à la Fondation Auschwitz et sur les interviews de ses dirigeants réalisées au début des années 1990.

Site mémoriel
  • La Sipo-SD de Bruxelles au 347 de l’avenue Louise (Lieven Saerens)
    Dans cet article, sera d’abord analysée la naissance, dans l’Allemagne nazie, du Reichssicherheitshauptamt (RSHA, l’Office central de la sécurité du Reich) dont dépend sous l’Occupation la Sipo-SD (Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst), la police SS de Bruxelles. Ensuite, seront évoquées la Belgique occupée et l’installation de la Sipo-SD. Dans la foulée, nous traiterons spécifiquement de la Sipo-SD. Dans une quatrième partie, nous nous concentrerons sur la Sipo-SD au 347 de l’avenue Louise. Une dernière dressera le tableau de l’enquête réalisée après-guerre à l’encontre de la Sipo-SD de Bruxelles ainsi que des demandes en dommages et intérêts des propriétaires d’origine de l’immeuble à appartements du 347 de l’avenue Louise. Une attention particulière sera portée aux rapports d’expertise des caves.

Librairie


Laboratoire mémoriel
  • Vers une pédagogie de la mémoire collective Los años del terror (50 preguntas sobre el conflicto armado en Peru, 1980-2000), Jesús Cossío (Mylène Herry)
    Los años del terror est un ouvrage récent (2016) conçu par Jesús Cossío, bédéiste péruvien dont le sujet de prédilection est le conflit interne survenu dans son pays entre 1980 et les années 2000. Il est l'auteur de deux albums, Rupay (2008) et Barbarie (2010), dans lequel il expose graphiquement une série d’épisodes de violences entre les Forces armées péruviennes (FF. AA), les forces subversives – Parti communiste péruvien – Sentier Lumineux (PCP-SL) et le Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru (MRTA) – et/ou les forces paramilitaires, épisodes longuement examinés dans les différentes procédures d’investigation menées par la Commission de la Vérité et de la Réconciliation (CVR).

À lire / à voir / à suivre