L'entretien : avec le dramaturge belge Thomas Bellinck sur le rôle et l’importance de l’histoire dans son œuvre
« L’engagement est une forme de réaction à l’histoire », disait Stéphane Hessel, philosophe, diplomate et père du mouvement des Indignés. Un propos qui convient bien au dramaturge belge Thomas Bellinck : l’histoire joue invariablement un rôle central dans les spectacles de la compagnie de théâtre Steigeisen qu’il a fondée avec l’acteur Jeroen Van der Ven.
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À l’occasion du 80e anniversaire de la libération de la Belgique, notre dossier thématique est consacré à celle-ci.
Ce dossier aborde les procès d'Istanbul et des médecins de Nuremberg. Il s'intéresse également à la poursuite des criminels de guerre en Belgique (1944-1951), et au système de justice microlocal des gacaca au Rwanda.
En France et en Belgique, les recherches sur la corrélation entre littérature de jeunesse et la Shoah sont rares, contrairement à l’attention phénoménale en Amérique (tout le monde connaît Maus d’Art Spiegelman) et dans d’autres pays anglophones. Pourtant, les livres pour enfants qui dépeignent la Shoah en mots et en images n’ont cessé de prendre de l’ampleur dans la France d’après-guerre et en Belgique. Alors que la critique et la recherche littéraires semblent encore balbutiantes, ce dossier montrera que l’analyse critique de ce corpus est d’une grande pertinence pour l’avenir.
Depuis toujours, le bourreau fascine autant qu’il effraie. Les auteurs de crimes de masse sont des individus qui exécutent, facilitent ou ordonnent l’anéantissement d’un groupe spécifique. Le numéro 100 de Témoigner, paru en septembre 2008, s’est jadis intéressé aux bourreaux nazis. Ce dossier propose une approche historique et criminologique des autres génocides du XXe siècle.
Le présent dossier s’intéresse au concept de désobéissance en temps de guerre. Si le concept de désobéissance civile nous paraît familier en ces temps de contestations endémiques, il fut un temps où l’obéissance était la règle. Dans un contexte militaire, la désobéissance était fréquemment suivie de conséquences mortelles. Ce dossier se penche essentiellement sur trois faits issus de la Première Guerre mondiale et un de la Guerre d’Algérie (1954-1962).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le régime nazi ne s’est pas seulement appliqué à détruire la « race » juive qu’il considérait comme dangereuse. Avant de mettre en œuvre la Solution finale, les nazis massacrèrent ceux qui ne correspondaient pas à leur idéologie raciale eugénique et qu’ils considéraient comme inférieurs. Dans ce dossier, nous nous intéresserons aux handicapés mentaux et physiques victimes systématiques de la folie pseudo-médicale nazie, tout au long du conflit mondial.
Ce dossier s’intéresse à l’instrumentalisation de la musique par le monde politique dans l’entre-deux-guerres. Les cas sont nombreux et éclairent la façon dont la propagande politique s’est propagée dans la culture musicale européenne.
L’Aktion Reinhardt vit environ 1,8 million de Juifs polonais périr dans les chambres à gaz de Bełżec, de Sobibór, de Treblinka et de Majdanek entre mars 1942 et novembre 1943. Les Juifs qui « échappèrent » aux chambres à gaz furent fusillés à Majdanek, à Trawniki et à Poniatowa les 3 et 4 novembre 1943 durant l’Aktion Erntefest. Le dossier que nous proposons fait le bilan des recherches actuelles sur l’Aktion Reinhardt, fait historique qui a connu une recrudescence d’intérêt parmi les historiens de la Shoah depuis une quinzaine d’années, grâce, entre autres, aux avancées archéologiques sur les différents sites concernés. Un long chemin a été parcouru depuis le travail pionnier d’Yithzak Arad, Belzec, Sobibor, Treblinka: the Operation Reinhard Death Camps en 1987. Le dossier met en lumière différentes perspectives pour évoquer les recherches actuelles liées à la question. Ainsi seront abordés l’effacement des traces, les perspectives sociologiques des bourreaux, l’excavation des lieux d’extermination et aussi l’historiographie la plus récente.
Pour beaucoup de gens, le 8 mai 1945 et la capitulation de l’Allemagne nazie est le chapitre final de la Seconde Guerre mondiale. Or, on oublie souvent que les mois entre mai et septembre 1945 furent décisifs pour le futur du monde, car dans le Pacifique les États-Unis et l’Empire du Japon continuèrent un combat acharné jusqu’à la capitulation sans conditions de ce dernier le 2 septembre 1945, date réelle de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La réception de la Shoah est devenue, pour toute l’humanité, un lieu de questionnement et de prise de conscience. Ce dossier visera à établir et à évaluer les modalités et les enjeux de la transmission de la Shoah et à mesurer les mutations des identités et des mentalités qui en découlent. Quels ont été les regards catholiques sur le judaïsme avant et pendant la Shoah ? Quelles liturgies juives et quels rites interreligieux pour la commémoration de la Shoah en Israël et aux États-Unis ? L’évolution des mentalités dans le monde juif par rapport à la Shoah sera également exposée par l’analyse de la controverse dite de Bitburg, déclenchée par la visite du président américain, Ronald Reagan, au cimetière militaire allemand de Bitburg (RFA) en mai 1985. L’affaire du carmel d’Auschwitz (1985-1993) révèle enfin l’implication des Églises belge et française dans la résolution du conflit et constitue sans doute une étape-clé dans « l’enseignement de l’estime » de l’Église à l’égard des Juifs. Les réponses historiques qu’apporte ce dossier au questionnement sur la Shoah peuvent être déterminantes pour la survie du judaïsme et des relations entre le judaïsme et le christianisme.
Depuis quelques décennies, l’idée a fait son chemin que les victimes des crimes de masse méritent reconnaissance. Celle-ci est devenue une catégorie incontournable de notre culture mémorielle. Ce dossier entend faire le point sur cette question en parcourant le large spectre de mesures garantissant la reconnaissance, de la simple remémoration aux interventions ciblées de la justice, rappelant au passage l'importance croissante de la victime dans la justice pénale internationale. Il revient sur les aspects problématiques de la reconnaissance lorsque celle-ci engendre une concurrence des victimes.
Kwibuka [Souviens-toi]. Avril 1994. Des images de corps mutilés sont projetées sur les écrans européens, elles proviennent du Rwanda. 25 ans après, nous nous souvenons.
Il y a cent ans, la Première Guerre mondiale prend fin en novembre 1918. Après quatre années de carnage, la paix revient en Europe. Du moins, c’est alors l’impression des vainqueurs et, aujourd’hui également, celle des commémorateurs qui fêtent son centenaire. La réalité historique s’avère plus complexe. Jusqu’en 1923 au moins, la violence perdure sous forme de révolutions et de contrerévolutions, de guerres et de guerres civiles. Les esprits restent également sous l’emprise de la violence tant dans les milieux de gauche que de droite.
Le dossier « La perpétuation de la violence après 1918 » se propose de cerner les contours de cette Europe si fortement marquée par la Grande Guerre, en évoquant la culture de la violence instaurée par celle-ci et qui, finalement, dégénéra dans la déflagration totale de la Seconde Guerre mondiale.
Les 20 et 21 janvier 2017 le colloque Questions sur l’avenir du travail de mémoire s’est tenu à Esch-sur-Alzette, au Grand-Duché de Luxembourg. Les cinq articles de ce dossier tirés des actes du colloque tentent de répondre aux questions suivantes : Comment construire une mémoire critique de la Shoah, dénuée de mythes et de fragmentation nationale ? Comment anticiper l’absence de témoins directs ? À l’avenir, qui transmet quoi, et comment ?
La connaissance historique de la persécution nazie des homosexuel-le-s et de leur déportation a connu des avancées significatives ces dernières années du fait de la multiplication des recherches sur le sujet. Dans le cadre de ce dossier, la parole est donnée à des chercheuses et chercheurs reconnus ainsi qu’à de jeunes doctorants et docteurs. Les éclairages qu’ils apportent concernent aussi bien la question de la destinée singulière des femmes et des hommes homosexuels durant la Seconde Guerre mondiale, que la manière dont la mémoire des victimes homosexuelles du nazisme a évolué depuis la fin de cette guerre.
La musique a fait partie intégrante de l’univers concentrationnaire, nazi et autre. Quel genre de musique était composée et exécutée, et quel en était le rôle exact dans les camps ? Facteur de survie et de résistance pour les détenus, une façon pour eux d’exprimer leur espérance et leur humanité – ou, au contraire, instrument d’oppression exploité par les bourreaux ? Quelle est la fonction de la musique dans le travail de mémoire suivant l’expérience de violence et de souffrance extrêmes ? Ce dossier propose de parcourir ces problématiques.
Présentation du dossier Traduire le témoignage : Quelle est la relation entre le témoignage, défini comme un récit plus ou moins ritualisé portant sur la violence politique et raconté à la première personne, et la traduction ? Et, parallèlement, quelle position le traducteur occupe-t-il par rapport au témoin ? Est-il possible, en tant que traducteur, d’être (ou de devenir) témoin ? Comment, quand et pourquoi traduit-on des témoignages ? À quelles stratégies linguistiques et discursives le traducteur recourt-il quand il se trouve confronté à un texte éthiquement délicat ? Quel rôle joue-t-il dans la transmission du savoir historique, des valeurs culturelles ou de la critique sociale véhiculés par le témoignage ? La traduction a-t-elle tendance à affaiblir ou, au contraire, renforcer la pertinence et l’impact du discours original ? Quelle est l’importance de la traduction dans des contextes littéraires, politiques et institutionnels ? Combien ces contextes spécifiques déterminent-ils la pratique de la traduction ? Dans quelle mesure les processus de transcription, d’édition, de traduction et d’archivage ont-ils un effet sur le texte source ? Et peut-on soutenir les strictes démarcations entre témoigner et traduire, entre témoignage documentaire et littéraire, entre l’original et sa traduction ? Voilà les questions qui seront abordées dans ce dossier.
Au sens strict, le négationnisme est la « doctrine niant la réalité du génocide des Juifs par les nazis, notamment l'existence des chambres à gaz. » (Larousse en ligne) ; par extension, le terme désigne la négation d'autres génocides et d'autres crimes contre l'humanité. La littérature sur le négationnisme est abondante. Il existe des études sur le sujet dans de nombreux pays ainsi que des biographies de négationnistes. Les stratégies argumentatives et rhétoriques des négationnistes ont été largement décryptées. Des sites internet démontent systématiquement leurs sophismes. Si les informations fiables sur le phénomène ne font pas défaut, il est cependant indispensable d'y revenir encore et toujours, et ce, pour plusieurs raisons.
Les violences extrêmes se montrent. Elles crèvent les écrans. Elles surfent d’un style et d’un support à l’autre : reportages d’actualité, documentaires, fictions, arts en tous genres. Pourtant le théâtre se distingue de cette curée, tout en revenant sans cesse sur le sujet. Autrement. Lié, dès ses origines, à la représentation de la cruauté et ayant « miraculeusement » échappé aux polémiques souvent stériles sur l’interdit ou non... de la représentation de la Shoah, c’est toujours avec la même jeunesse qu’il s’intéresse aux violences extrêmes et y entretient sans relâche l’articulation de l’éthique et de l’esthétique.
Le génocide perpétré en 1915 sur les Arméniens de Turquie suscite toujours de nombreux débats, controverses, déclarations de principe, prises de position et oppositions, négation. Pourtant, de plus en plus ouvertement, des liens se tissent, des passerelles sont établies et des échanges renforcés entre les communautés arménienne et turque. Une réconciliation est-elle possible ?
27 janvier 1945. Il y a 70 ans les premiers soldats de l’Armée rouge pénétraient dans le camp d’Auschwitz marquant définitivement ce que l’on pourrait appeler sa « libération », bien qu’Auschwitz n’ait été, pas plus qu’aucun autre camp nazi, un objectif prioritaire pour aucune des forces alliées. Primo Levi faisait partie des quelques rescapés qui, échappant aux évacuations forcées, étaient restés cachés à Auschwitz. Juif, déporté, chimiste, témoin, écrivain, retour sur cette personnalité complexe, sur son ascension vers ce qu’il a appelé le « rescapé professionnel », sur son œuvre. Sur ce que les mots « résistance », « engagement » ont signifié pour lui.
Après les dictatures qui règnent sur l’Argentine, le Chili et l’Uruguay des années 1970 jusqu’en 1990, le processus de résolution démocratique de ces histoires de terreur semble nécessairement en passer par la construction de récits et, ce faisant, de mémoires qui reconfigurent le passé. Au cœur de ces processus propres à chacun des pays, s’impose la figure de la victime que viennent questionner les textes rassemblés par Claudia Feld, Luciana Messina et Nadia Tahir.
On a beaucoup parlé et écrit sur les mémoires de groupe et communautaires en limitant leur rapport et leur histoire à des conflits, des « guerres », des concurrences, des stratégies d’occultation ou de mise sous silence à tel point que ces termes sont devenus des lieux communs d’une sorte de doxa plus générale sur la mémoire collective et culturelle. Ce dossier propose une lecture critique de ces termes et de cette doxa en venant questionner l’émergence, la constitution et la mise en rapport de différentes mémoires exemplaires des grandes violences du XXe siècle. Il aborde les rapports que ces mémoires peuvent entretenir avec d’autres mémoires dont elles partagent, sinon le même événement, du moins des caractéristiques ou des préoccupations communes.
Doit-on craindre ce que l’on regroupe sous le terme de « tourisme mémoriel » ? Ou bien doit-on assumer cette réalité de notre époque ? Désormais, tout visiteur, en groupe ou solitaire, se trouve-t-il absorbé par la catégorie de « touriste » ? Ou bien cette catégorie est-elle une réduction intellectuelle bien éloignée de l’expérience que chacun poursuit durant sa visite ? Le problème apparaît sous un jour un peu différent quand on pense aux voyages organisés pour des mineurs encadrés par des adultes, généralement des enseignants. Ce dossier propose de donner les avis d’historiens et pédagogues qui ont l’expérience de tels voyages.
Le dossier de ce numéro se donne pour objectif de fournir des points de repère pour mieux comprendre les identités et les relations plurielles qu’entretiennent les mémoires et leur représentation dans l’Espagne contemporaine. En effet, il est nécessaire, aujourd’hui, de porter un nouveau regard non seulement sur les mémoires stratifiées de la guerre civile, de l’exil et de la répression franquiste, mais aussi sur la réception d’autres mémoires telles que celle de la Shoah, et d’en proposer de nouvelles lectures. Il s’agit notamment de mettre en évidence les tensions parfois antagoniques, parfois productrices, entre les actions officielles, celles des associations et les initiatives artistiques.
Comment se présentent aujourd’hui, aux yeux des visiteurs, les sites mémoriaux qui constituent la trace concrète de la mémoire et de l’histoire européennes du XXe siècle ? Les critères d’exposition et de conservation ont changé depuis au moins dix à quinze ans dans la plupart de ceux-ci, tout comme les progrès dans la recherche historique ont changé la façon de lire et de reconstruire les évènements du passé. Cela n’est pas seulement dû au fait que l’on soit passé d’une histoire écrite par des témoins à une histoire écrite par des historiens professionnels. Une nouvelle conscience s’est affirmée concernant les méthodes de transmission (pédagogie de la mémoire). Il a également été nécessaire de renforcer la recherche historique par les méthodes de recherche archéologique. On a déchiré le voile de l’idéologie alors que celui-ci avait souvent guidé ou recouvert les expositions permanentes et les critères de conservation et de visite. Peut-on dire dès lors qu’une nouvelle époque s’est ouverte dans la façon de transmettre la mémoire ? Celle-ci demeure, sous plusieurs aspects, un pari ouvert sur le présent et le futur.
Les périodes les plus douloureuses ou les plus ambiguës de l’histoire allemande du XXe siècle sont caractérisées par de nombreux tabous que la littérature, la photographie et le cinéma ont exprimés comme autant de « retours du refoulé ». Ces études sont, d’une part, centrées sur les problèmes de l’antisémitisme et, ce faisant, sur les rapports des sociétés germanophones à la Shoah. D’autre part, il est question de la confrontation aux violences subies telles que les bombardements, la fuite devant l’armée rouge et les expulsions, les viols massifs.
Le dossier de ce numéro est consacré aux expériences et aux représentations culturelles de l’enfance pendant la guerre d’Espagne. Il s’agit d’aider à mieux comprendre ce conflit qui a déchiré une même population sur un même territoire en proposant une mise en regard du vécu des enfants espagnols – consigné sous diverses formes pendant ou après le conflit – et des représentations variées de ces mêmes enfants, en particulier celles émanant des adultes.
L’apparition des médias a encouragé les institutions politiques (des partis politiques aux gouvernements) à promouvoir leur image pour emporter la conviction du public auquel elles s’adressaient. Les pouvoirs autoritaires ont trouvé dans cette ressource un moyen de consolider leur domination. Or, comment les artistes ont-ils pu prendre part à la propagande dont l’utilitarisme est à l’opposé des fins que l’on attribue généralement à l’art ? On-t-il dû mettre de côté leur vocation, ou l’ont-ils eux-mêmes détournée ?
Les déplacements de population sont utilisés par les États ou les groupes criminels pour isoler des populations qu’ils prennent pour cible ou qu’ils veulent s’aliéner. Perte de visibilité publique, privation des repères et des cadres sociaux sont alors des processus complémentaires à la négation des droits communs. Procédant ainsi, il est alors possible de faire subir à ces populations des contraintes (déterritorialisation, travail forcé…) ou des violences (famine, massacre, génocide…). Ces phénomènes, qui ont acquis une ampleur sans précédent après la guerre de 1914-1918, ne cessent de s’accroître à l’échelle du globe. Mais leur réalité se double aussi d’une dimension mémorielle. En effet, il y a une mémoire des déplacements qui s’exprime maintenant à travers la littérature, avec des expositions et dans des musées. Ce dossier traite de ce double aspect historique et mémoriel dont nous sommes les contemporains.
Mise au service ou revenant sur les guerres et génocides du XXe siècle, la bande dessinée fut mêlée aux plus sombres évènements de notre Histoire.
La première partie du dossier évoque le rôle joué (en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas) durant la Seconde Guerre mondiale par des éditeurs et auteurs de bandes dessinées qui se mirent au service de l'envahisseur ou qui, au contraire, lui résistèrent. En relevant les contributions de la bande dessinée aux efforts de guerre, c'est son potentiel même en tant que moyen d'action et de propagande qui est ici mis en exergue.
La seconde partie du dossier concerne les possibilités d'évocation des auteurs de bandes dessinées lorsqu'ils reviennent sur les évènements. De la première à la Seconde Guerre mondiale, des génocides commis à l'encontre des Arméniens, des Juifs, des Cambodgiens ou des Tutsi aux massacres de Sabra et Chatila, la dimension créative dont fait preuve la bande dessinée en abordant ces sujets longtemps tenus pour inaccessibles atteste de ses capacités à opérer au-delà de la « simple » restitution des faits.
Ce dossier se propose d'analyser les contraintes qui pèsent sur l'écriture télévisuelle de l'histoire. Il privilégie l'étude des documentaires historiques produits pour/par la télévision, désormais canal de transmission dominant de l'histoire. Aux côtés d'historiens (Annette Becker, Laurent Veray, Isabelle Veyrat-Masson) dont les travaux traitent du rapport à l'image animée et de sa valeur cognitive, d'autres chercheurs et enseignants (Charles Heimberg, Fanny Lautissier, Matthias Steinle) ont été sollicités. Mais la parole a aussi été donnée à tous les acteurs de la production, des réalisateurs (Patricia Bodet, Serge Viallet), des producteurs (Jacques Kirsner) ou encore des documentalistes spécialisées dans la recherche d'archives filmiques (Anne Connan, Christine Loiseau). En raison des enjeux de mémoire et de la question du statut de vérité qu'elle soulève, La chaconne d'Auschwitz, documentaire réalisé par Michel Daëron, a été analysée du point de vue de l'historien-conseiller historique (Sonia Combe) commenté par le réalisateur et la monteuse, Eva Feigeles.
Au cours de l’Histoire, l’aveu s’est déplacé de la sphère judiciaire (et/ou du christianisme) vers d’autres composantes sociales. Si bien qu’aujourd’hui, il se manifeste ou s’exprime en nombre d’occasions, ce dont attestent les contributeurs à ce dossier qui envisagent l’aveu dans ce qu’il a de structurant. En effet, qu’ils soient linguistes, spécialistes en études littéraires, historiens, chercheurs en sciences de l’information et de la communication, ces derniers montrent, à partir de l’analyse de textes – littéraires ou non –, de films – de fiction ou pas –, et/ou d’événements particuliers, que l’aveu témoigne du rapport qu’un groupe ou une personnalité entretient à son passé et à son avenir, en même temps qu’aux autres, c’est-à-dire à ceux qui en sont les destinataires. Mais, si plusieurs auteurs montrent comment l’aveu dit le vrai, d’autres montrent aussi qu’il peut s’en éloigner, ou faire accéder à une vérité autre que celle que son auditoire pourrait en attendre.
Dans les sciences humaines et sociales contemporaines, les travaux sur le témoignage et les témoins se sont multipliés. Revers de la médaille, les faux témoignages et les faux témoins sont plutôt délaissés ou laissés en pâture à leurs dénonciateurs. Pourtant, on peut prendre le phénomène au sérieux. Ce dossier le met ainsi « à l’épreuve » en répondant à une série de questions : si l’on est souvent « pris à témoin », quelles sont les configurations sociales et psychologiques faisant qu’on est « pris », plus ou moins longtemps, par la croyance en un faux témoignage ? Quel est le rôle des industries culturelles et médiatiques dans ce phénomène ? Comment penser les relations entre faux témoignage, témoin fictif et fiction ?
Pourquoi un dossier sur Charlotte Delbo ?
Jusqu'à présent les études majeures sur Charlotte Delbo nous sont venues d'Angleterre et des États-Unis. En France, hormis un cercle restreint de fidèles et d'universitaires, on ne s'est pas intéressé à elle et pas plus à son œuvre. Aucun dossier de revue. Aucun recueil.
Intellectuelle et femme de théâtre importante, Charlotte Delbo (1913-1985) s'est très tôt engagée du côté des communistes, sans pour autant adhérer au parti. Résistante, elle est arrêtée et déportée dans le convoi du 24 janvier 1943 pour Auschwitz où elle est internée avant d'être transférée à Ravensbrück. Son œuvre testimoniale, l'une des plus importantes sur la terreur concentrationnaire nazie, se prolonge par de nombreux textes, la plupart de théâtre, qui confirment son engagement contre toute forme d'oppression politique, de l'Algérie au Goulag, du Chili à la Grèce.
À l’occasion du XXe anniversaire de la chute du Mur et de la disparition de la RDA, ce numéro revient sur l’antifascisme comme un des éléments essentiels à la fondation de cette « autre » Allemagne. Antifascisme « décrété », selon les uns, « mythe » selon les autres, ce dossier propose de réinterroger la notion en tenant compte aussi bien des réalités historiques que des manipulations idéologiques. Des recherches récentes, conduites à partir de fonds d’archives encore peu exploités, donnent une image plus nuancée de l’antifascisme en RDA, de ses aspirations, de ses limites et de sa mémoire. Il était important de ne pas en rester au cas allemand, afin de proposer des points de comparaison. Entrent ainsi en ligne de compte la perception de l’antifascisme en Italie et en France, l’histoire complexe de la résistance slovène en Autriche et les aléas d’une association internationale comme la FDIF. Le dossier croise des études historiographiques avec des analyses de documents biographiques, de figures héroïques, d’expositions, de monuments ou d’œuvres littéraires dans les perspectives des « cultural studies ».
Ce dossier intitulé « Crimes et génocides nazis à l'écran » répond à plusieurs attentes. Il s'agit de faire le point sur une iconographie qui a amplement influencé les représentations de la seconde moitié du XXe siècle, faisant du motif concentrationnaire au cinéma, dans la photographie, dans l'art, un genre en soi. Les images des camps nazis, filmées à la fin de la guerre par les troupes alliées qui ont découvert les structures concentrationnaires, ont en effet joué un rôle écrasant dans l'imaginaire des années qui ont suivi. Pour certains, elles ont même fondé la modernité du cinéma. On en trouve des traces dans le film documentaire et le film romanesque, dans les films d'avant-garde et dans le cinéma populaire, dans toutes sortes de productions visuelles venues de tous horizons. On pourrait même considérer que le cinéma des quarante dernières années a impulsé plus qu'il ne l'a accompagnée l'institutionnalisation de la Shoah. Comment analyser cette insistante pénétration ?
Les arts et la littérature ont toujours réservé une place importante aux crimes et aux grandes violences (martyres, massacres et champs de bataille), cette inclination n’a pas diminué aujourd’hui. Le théâtre a déjà, dans les années 1960, dénoncé les crimes nazis et leurs complices à travers la mise en scène des criminels eux-mêmes (L’Instruction de Peter Weiss, Le Vicaire de Rolf Hochhuth). Mais le nazisme n’est pas leur seul centre d’intérêt. Comme tout despote, Franco a eu son lot d’hagiographes et l’ambiguïté de personnages de la Phalange se retrouve jusqu'à récemment dans des romans mémoriels espagnols. À propos du Rwanda, commencent à paraître des récits qui s’attachent aux génocidaires. Sur les Khmers rouges, quelques films et bandes dessinées ont été réalisés. Ce dossier explore les différentes formes de présence des criminels politiques dans la littérature, le cinéma, le théâtre et les arts plastiques en Europe, en Afrique et en Asie. Il s’intéresse aussi à leur représentation médiatique, notamment en Argentine et en Afrique du Sud, posant la question : le bourreau est-il vraiment un témoin ?
Comment mettre à profit nos expériences aussi diverses que polyphoniques pour repenser aujourd’hui de façon novatrice l’ « éducation à la mémoire » ?
La pédagogie est investie de la tâche de transmettre ce savoir particulier sur les violences extrêmes que l’on nomme désormais mémoire, terme générique et pourtant combien plurivoque. En vertu de quoi, elle se trouve régulièrement sommée d’apporter des réponses aux attentes qui traversent les sociétés modernes. Il s’agit notamment de satisfaire à la reconnaissance de mémoires qui ont depuis peu émergé et par lesquelles des communautés et des groupes sociaux cherchent à se faire identifier.
Ce dossier porte l’interrogation sur la pédagogie de la complexité historique au regard de la pluralité des sensibilités communautaires et nationales. Il aborde la question de l’influence de l’actualité mémorielle et de la place qu'y tient la Shoah. De nombreux aspects méthodologiques y sont également abordés.
Aujourd’hui, les bourreaux montent plus souvent sur l’échafaud pour y être exécutés que pour y travailler.
Le sens moderne de « bourreau » couvre un ensemble d’individus qui, des planificateurs aux exécuteurs, en passant par les nombreux intermédiaires, commettent des crimes collectifs qui marquent notre histoire. Les articles que rassemble ce dossier interrogent les bourreaux par leur légende, leur vie privée, leur Journal, leur institution et l’organisation qu’ils ont voulu mettre en place à l’intérieur des lieux où ils sévissent. Le sujet est vaste. Il ne risque pas de se périmer. Il est même d’actualité.
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