Fondation Auschwitz - Sommaire, résumés et textes intégraux du n° 103
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Yannis Thanassekos et Philippe Mesnard, Éditorial : La Mémoire, victime de l’histoire ? (PDF)

 

Dossier : Crimes et génocides nazis à l'écran

Coordonné par Vincent Lowy

 

Vincent Lowy, Une cinéphilie sanctuarisée (PDF)

  • Le débat récurrent sur les représentations cinématographiques des crimes et génocides nazis demande à faire l’objet d’un état des lieux, mais aussi d'envisager de nouvelles pistes de recherche. C’est le sens de ce dossier qui entend rendre aux images dans leur diversité une place prépondérante. Par l’étude des motifs historiques et l’analyse filmique, nous souhaitons démontrer la complexité et la richesse d’une thématique qui ne peut se résumer aux antagonismes traditionnels entre fiction et documentaire, archives et témoignage, régime de la preuve et simulacre.

 

Figures de l’histoire et récits médiatisés

Jacqueline Nacache, Le Renard du désert : Rommel à Hollywood

  • Figure militaire et non politique, le Feld Marshall Erwin Rommel a été un des rares chefs de guerre nazis à être admiré par les Alliés pour son charisme, son sens tactique et le respect qu’il avait pour le code de la guerre. Ces particularités permirent à la Paramount d’en faire un personnage complexe dans Les Cinq Secrets du désert (Wilder, 1943), alors que le monde était encore en guerre. De façon encore plus significative, l’évocation de Rommel se poursuit après-guerre tandis que la cible de la propagande hollywoodienne se déplace. Pour ce qui concernait l’Allemagne, aucune histoire n’était plus appropriée que celle de Rommel, qui avait connu une mort énigmatique après avoir été mêlé à la tentative d’assassinat d'Hitler en 1944. Rommel put donc être décrit comme un héros de guerre dans Le Renard du désert (Hathaway, 1951) et réapparut quelques années plus tard dans Les Rats du désert (Wise, 1954).

 

Emma Augier, Retour à Ellis Island (PDF)

  • Récits d’Ellis Island (1980) constitue l’exemple parfait d’une collaboration entre un écrivain et un cinéaste autour d’un projet mémoriel : l’évocation du plus grand centre de tri humain lié à l’immigration ininterrompue et massive de 12 millions d’Européens, le plus souvent miséreux, qui entre 1892 et 1954 se pressèrent aux portes de New York pour démarrer une nouvelle vie. Tous deux marqués par la Seconde Guerre mondiale et les persécutions antisémites, Georges Perec et Robert Bober se retrouvent autour de l’idée de mémoire en forme d’inventaire. Leur film occasionne une réflexion sur les lieux de mémoire, la place des individus dans l’Histoire et la force à la fois poétique et métaphorique du souvenir.

 

Nurit Levy, L’antisémitisme dans les représentations cinématographiques de l’Affaire Dreyfus

  • Dans les multiples adaptations de l’Affaire Dreyfus au cinéma, la question de l’antisémitisme est longtemps restée implicite ou absente. Dans les films de Méliès et Ferdinand Zecca en 1902, dans le Dreyfus de Richard Oswald en 1930, et même aux États-Unis avec The Life of Émile Zola de William Dieterle en 1937, il ne s’agit que d’une erreur judiciaire et non d’un crime antisémite. Beaucoup de ces films avaient pourtant pour but de manifester des opinions prosémites en réaction à la montée du nazisme en Allemagne. Il faut attendre 1958 avec I Accuse de José Ferrer pour que l’accent soit mis sur la haine raciale qui fait agir les dirigeants de l’armée française dans l’accusation de Dreyfus. Nous entrons alors dans une logique mémorielle qui n’est pas sans rapport avec la prise de conscience de la dimension génocidaire antisémite des crimes nazis.

 

Frédéric Rousseau, L’image de l’enfant du ghetto de Varsovie au cinéma de 1956 à 1966 : l’invention d’une icône ? (PDF)

  • Considérée comme une des icônes les plus emblématiques du XXe siècle, l’image familière du petit garçon juif qui lève les bras sous la menace des mitraillettes a été capturée au cours de la liquidation du ghetto juif de Varsovie, entre avril et mai 1943. Elle a souvent été intégrée à des montages d’archives et a pris sa place dans des films de référence : Nuit et brouillard d’Alain Resnais (1956), Mein Kampf d’Erwin Leiser (1960) ou Le Temps du ghetto de Frédéric Rossif (1961). Mais sa force référentielle est telle qu’on la retrouve dans des films sans rapport avec la Seconde Guerre mondiale, comme Persona d’Ingmar Bergman (1966).

 

Jean-Louis Comolli (interview par Vincent Lowy), Le temps des images (PDF)

 

 

Vers de nouveaux objets

  • Le film Shoah (1985) de Claude Lanzmann a eu une influence déterminante sur plusieurs figures de la nouvelle génération des cinéastes français. Parmi eux, Arnaud Desplechin, Arnaud Des Pallières, Emmanuel Finkiel ou encore Nicolas Klotz. Ces jeunes cinéastes ont à plusieurs reprises évoqué le film de Lanzmann et à travers lui les crimes génocidaires nazis. Mais ils l’ont fait de façon indirecte, subtile, voire ténue. Et cette filiation (parfois revendiquée) montre bien la position en surplomb du film de Lanzmann sur les formes et sur la pensée du cinéma d’auteur contemporain.

 

Julie Maeck, Enjeux et modalités de la présence de la Shoah sur Arte (PDF)

  • Depuis sa création au début des années 1990, la chaîne culturelle franco-allemande Arte a énormément contribué à faire connaître sous ses nombreux aspects la singularité des crimes génocidaires nazis. Jouant un rôle déterminant dans la production documentaire, elle a ainsi certainement contribué à l’institutionnalisation de la Shoah. Mais bien souvent, la chaîne a montré un manque de rigueur et d’imagination, confondant regard des témoins et mémoire de l’extermination, gommant les aspérités relatives au rôle de la France, jouant trop souvent la carte d’une histoire fédératrice et du récit formaté.

 

Philippe Mesnard, Des affinités cinématographiques entre sexe et nazisme (PDF)

  • Dès les années 1960, la collusion du sexe et du nazisme est nettement présente sur le grand écran. Pour certains films, elle orne l’intrigue ou devient le thème d’une déclinaison esthétique. Pour d’autres, elle en fournit la matière, voire la structure. Dans les années 1970, alors que la production des films pornographiques se fait abondante, on découvre que les pornos SS (ou Gestaporn, Svastikaporno) constituent un sous-genre en vogue. D’autres films encore utilisent explicitement les affinités du sexe et du nazisme comme un détour pour dégager une réflexion sur les liens entre fantasme et domination et, plus loin encore, sur la zone grise.

 

Matthias Steinle, George Stevens à Dachau : Images filmées de la libération du camp de concentration et mise en place d’une iconographie stéréotypée (PDF)

  • Premier camp ouvert par les nazis en 1933, le camp de Dachau a été découvert par les Forces armées américaines fin avril 1945. C’est là qu’ont été tournées les premières images de la libération des camps qui ont été diffusées dans l'immédiat après-guerre et montrées en Allemagne et dans le reste du monde, devenant ainsi des icônes de la barbarie nazie. Il faut néanmoins analyser les représentations retenues pour cette diffusion, car la sélection, le montage opérés dans un éventail au départ plutôt fourni ont contribué à définir la perception que nous avons désormais du « camp de concentration » en général.

 

 

Varia

Andrea Allerkamp, « Naufrage avec spectateurs ». Discours d’Ulysse selon Adorno et Levi (PDF)

  • On a souvent évoqué la phrase de Primo Levi qui contredisait le verdict de Theodor W. Adorno interdisant d’écrire un poème après Auschwitz. Levi soulignait au contraire qu’il faut attribuer à la poésie la tâche qui est d’entretenir la vie. Mais les deux discours d’Ulysse, qui témoignent d’une manière très différente de l’extermination, communiquent entre eux, en dépit de leur manque de références réciproques. La Dialectique de la Raison se base essentiellement sur l’idée du retour afin de déceler la dialectique entre mythe et raison. Adorno actualise le mythe d’Homère à l’aide des associations, élargit ainsi la notion de la modernité et établit des critères pour l’adaptation d’Ulysse en tant qu'homo œconomicus. Dans Si c’est un homme, les récitations de Dante rappellent en revanche que le voyage d’Ulysse interrompt le cercle métaphysique. La ruse d’Ulysse, telle qu’elle apparaît chez Levi ne témoigne pas, dans le style réaliste du dix-neuvième siècle, d’un enlacement entre mythe et raison, mais au contraire d’une phronesis scientifique qui ne peut s’exprimer qu’en poésie.

 

 

En débat

François Rastier, Euménides et pompiérisme – Refus d’interpréter (PDF)

  • En interrogeant les interprétations du best-seller de Jonathan Littell, nous avons l’ambition de questionner son succès. Ne marque-t-il pas une évolution du statut de l’extermination dans l’imaginaire contemporain, une réhabilitation paradoxale de la figure du bourreau ? Que devient le statut des connaissances historiques dans leur compilation romanesque qui fait une lecture psychanalytique du nazisme ? Pour éclairer à ce propos l’évolution contradictoire de la culture européenne, la réception contrastée des « Bienveillantes » en Espagne, Italie et Allemagne souligne des aspects discutables de l'exception française.

 

Richard J. Golsan and Susan Rubin Suleiman (a conversation between), Suite française and Les Bienveillantes, two literary « Exceptions » (PDF)

  • Deux professeurs de littérature américains entrent en dialogue à propos de deux romans parus en France à deux ans d’intervalle. Suite française, le roman posthume d’Irène Némirovsky paru en 2004, et Les Bienveillantes de Jonathan Littell (2006). Comment en tant qu’intellectuels juifs (Irène Némirowsky et son mari Michel Epstein) vivre au contact d’autres intellectuels qui ont collaboré et, également, d’officiers allemands ? Quel degré de tolérance vis-à-vis de ces derniers ? Avec Les Bienveillantes, le débat est tout autre. L’approche se veut distante des polémiques qui ont enflammé les milieux français après une première réception admirative. Pour Susan Suleiman, le roman remplirait son contrat, mais Richard J. Goslan apporte quelques nuances.

 

Vicky Colin, Littell relit Degrelle, comment l’ironiste dégonfle le vantard (PDF)

  • Au commencement des Bienveillantes, il y a le verbe de Léon Degrelle et un livre, Le sec et l’humide. Avec Le sec et l’humide, Jonathan Littell livre le travail archéologique qu’il a effectué à partir d’une lecture de Degrelle, travail dont est sorti quelques années plus tard l’imposant Les Bienveillantes. Cette lecture déconstruit les modèles sur lesquels s’appuyait la vision du monde que le fasciste s’était inventée. Ici, de la part de Littell, le mot clé est l’ironie et le cadre d’interprétation est Klaus Theweleit, ce qui lui permet très facilement de se dégager de tout soupçon de complaisances à l’égard de Degrelle.

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